lundi 19 mai 2014

sans Ferré dans le silence

"Je vois le monde un peu comme on voit l´incroyable
L´incroyable c´est ça, c´est ce qu’on ne voit pas
Des fleurs dans des crayons, Debussy sur le sable
A Saint-Aubin-sur-Mer que je ne connais pas
Les filles dans du fer au fond de l´habitude
Et des mineurs creusant dans leur ventre tout chaud
Des soutiens-gorge aux chats des patrons dans le Sud
A marner pour les ouvriers de chez Renault
Moi je vis donc ailleurs dans la dimension quatre
Avec la Bande dessinée chez mc 2
Je suis Demain je suis le chêne et je suis l´âtre
Viens chez moi mon amour viens chez moi y a du feu
Je vole pour la peau sur l´aire des misères
Je suis un vieux Bœing de l´an quatre-vingt-neuf
Je pars la fleur aux dents pour la dernière guerre
Ma machine à écrire a un complet tout neuf
Je vois la stéréo dans l´œil d´une petite
Des pianos sur des ventres de fille à Paris
Un chimpanzé glacé qui chante ma musique
Avec moi doucement et toi tu n´as rien dit

Tu ne dis jamais rien, tu ne dis jamais rien
Tu pleures quelquefois comme pleurent les bêtes
Sans savoir le pourquoi et qui ne disent rien
Comme toi, l´œil ailleurs, à me faire la fête

Dans ton ventre désert je vois des multitudes
Je suis Demain, C´est Toi mon demain de ma vie
Je vois des fiancés perdus qui se dénudent
Au velours de ta voix qui passe sur la nuit
Je vois des odeurs tièdes sur des pavés de songe
A Paris quand je suis allongé dans son lit
A voir passer sur moi des filles et des éponges
Qui sanglotent du suc de l´âge de folie
Moi je vis donc ailleurs dans la dimension ixe
Avec la bande dessinée chez un ami
Je suis Jamais, je suis Toujours et je suis l´Ixe
De la formule de l´amour et de l´ennui
Je vois des tramways bleus sur des rails d´enfants tristes
Des paravents chinois devant le vent du nord
Des objets sans objet, des fenêtres d´artistes
D´où sortent le soleil, le génie et la mort
Attends, je vois tout près une étoile orpheline
Qui vient dans ta maison pour te parler de moi
Je la connais depuis longtemps, c´est ma voisine
Mais sa lumière est illusoire comme moi

Et tu ne me dis rien, tu ne dis jamais rien
Mais tu luis dans mon cœur comme luit cette étoile
Avec ses feux perdus dans des lointains chemins
Tu ne dis jamais rien comme font les étoiles"

Léo Ferré

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